Ils étaient trop craintifs pour se détacher de leurs enfers quotidiens, et pas assez courageux pour envisager qu'il pouvait exister une manière plus noble et enivrante d'exister. Ça vivait en surface, dans les bras de l'ordinaire, en accord avec le vide.
Mais comment, dès lors qu'on avait intégré ce vide sidéral qui imprégnait continuellement nos vies. Comment réussir à acquérir ce recul nécessaire ? Cette vision prise d'une certaine distance, et qui permettrait de ne plus vivre dans l'idée que tout ce qui nous était servi, jeté sous les yeux, déversé comme de fumantes déjections, était inévitable.
Il fallait absolument comprendre qu'il n'y avait rien de transcendant dans la profusion, dans le mirage de ce qu'ils appelaient évolution ou innovation. La course au progrès, à l'ascension dite «sociale», se devait d'être désacralisée, déboulonnée dans son ensemble. Assimiler que notre passage n'était qu'un grain de sable dans l'immensité de l'océan. Que le désir constant d'accumulation de biens matériels, souvent inutiles à notre quotidien, faussait irrémédiablement le réel sens de nos existences.